Tch.

[Bon, elle ne semble pas disposée à s'exprimer. Je vais donc m'en charger à sa place. Ne vous en faites pas, j'ai l'habitude.
Elisabeth... c'est un cas social. Elle est profondément associable, détestant les autres par principe avant même d'avoir entendu parler d'eux – et le plus souvent, ils le lui rendent bien. Elle a toujours détesté la vie en société. Il faut dire qu'elle ne fait rien pour arranger les choses. D'une nature froide et un peu arrogante, elle méprise les autres. Parfois, certaines personnes retiennent son attention ; et même si elle ne leur montre aucune marque d'affection, elle s'accroche à elles pour ne pas sombrer. Car elle se sent horriblement seule ; mais après des années passées en se mentant à elle-même, se persuadant qu'elle hait les autres, elle est incapable d'être agréable et sympa. Elle ne sourit jamais, ne rit jamais. Elle est froide et insensible, paumée, sans amis – ou presque. Mais ça, ça va dans une autre partie.
Elle sait toujours tout sur tout ; et loin de s'en vanter, elle explique toujours ce que veulent comprendre ses camarades, bien qu'avec une froideur inégalable. De ce fait, elle se fait régulièrement traiter de fayotte, mais n'a jamais subi la moindre violence ; généralement, son regard glacial, méprisant et hautain suffit à dissuader les autres à l'agresser. Et lorsque cela ne marche pas, elle se bat, soit à mains nues, soit à l'aide de l'encyclopédie qu'elle trimballe partout où elle va. Elle ne se blesse jamais, ne bégaye jamais, ne tombe jamais. Bref, c'est miss Parfaite, sauf qu'elle hait le monde entier et qu'elle est bourrée de préjugés.]

Humpf. Je suis brune, j'ai des yeux gris acier. J'ai des lunettes. D'ailleurs, va t'en acheter, si tu vois pas que j'ai une queue-de-cheval.

[Ben voilà, soit elle parle pas, soit elle sort des truc dans le genre. Super, hein ? Bref. Elle est donc brune, elle a des cheveux particulièrement longs mais pas grand-monde ne s'en aperçoit, d'une part parce que tout le monde s'en fout, et d'autre part parce qu'ils sont toujours attachés, en queue-de-cheval ou en chignon. Elle porte des lunettes à fine monture d'acier, assorties à ses yeux gris métal. Elle est assez belle, remarquez – et le passage à Broken Flower l'a encore arrangée. Elle a un nez bien proportionné, ni trop grand ni trop petit, des sourcils fins toujours remontés dans une moue méprisante, les lèvres pincées. Elle s'habille très souvent de la même façon : une veste style « british uniform », bleu foncé ou noire, une jupette plissée ou un jean souple mais certainement pas slim ! Elle a souvent une courte cravate assortie. Sous sa veste, elle met généralement des T-shirts simples ou des chemises à carreaux. Elle a un physique plutôt avantageux : pratiquant l'escalade et les sports de combat depuis toute jeune, elle a des muscles fins et élégants ; elle est mince et a des atours plutôt développés. Mais elle ne s'en est jamais rendue compte ; partout où elle allait, elle engendrait une telle répulsion que personne ne prêtait intérêt à son corps remarquablement bien proportionné. Du haut de son mètre soixante-sept, elle a également de longues jambes fines et galbées ; bref, si elle était agréable et sociable, ce serait une bombe, mais elle préfère la compagnie des livres à celle de ses compatriotes.]

Pff. Qu'en avez-vous donc à faire de moi ? Suis-je donc une bête de foire ?
Je suis née en France, dans un village breton. Mes parents sont morts d'un accident de voiture lorsque j'avais 13 ans ; ma sœur, âgée de 21 ans, a demandé et obtenu ma charge. Tenez-vous-le pour dit : je n'avais aucune affection, ni pour eux, ni pour ma sœur. Ni pour personne, d'ailleurs.
Depuis toute petite, j'ai les mêmes amis : Thomas Kirivinic, un garçon enjoué et extraverti, et Marie Echesne, une fille discrète et souriante [HRP : copyright sur ces deux persos !]. Nous sommes toujours restés ensemble ; et même s'ils avaient la possibilité de me laisser tomber, lassés, ils ne m'ont jamais lâchée. Ils ont toute mon estime et ma gratitude ; ce sont probablement les seules personnes pour lesquelles j'accepterai de me battre. Ce sont les seuls êtres que j'aime. Bien évidemment, je ne leur ai jamais dit et jamais montré. Mais ils le savent et cela nous suffit.
Récemment, j'ai eu la possibilité de quitter notre internat – car ma sœur poursuit ses études, préparant un doctorat d'astrophysique – pour venir ici, à Broken Flower.
« C'est quoi, ça, Broken Flower ? », avait demandé Thomas avec un accent anglais exécrable. « ça se mange ? »
Marie lui avait donné un léger coup de coude dans les côtes. Léger, car elle était incapable de faire du mal à quelqu'un, moralement et physiquement.
« On vient de le dire, c'est un internat ! Et ça a l'air hyper prestigieux, regarde ! Le cadre a l'air bien, y a de bonnes installations... »
Ah ça, je savais pertinemment où elle voulait en venir. Vous avez trouvé le moyen de vous débarrasser de moi, hein ? Soit. Vous m'abandonnez. Je m'en vais.
« Oui, je pense que je vais y aller », avais-je répondu. Et Marie et Thomas avaient échangé un regard, avant de baisser les yeux – pour Marie – et de me secouer dans tous les sens – pour Thomas.
« Mais non, moi j'veux pas que tu partes ! On se connaît depuis la crèche, tu peux pas partir comme ça ! »
« Il a raison mais d'un autre côté, ce serait super pour toi si tu pouvais y aller... », intervint Marie.
Alors, surmontant ma répulsion, je leur fis une parodie de câlin qui dura peut-être une demi-seconde. Les larmes commençaient à monter aux yeux de Thomas. Peut-être était-il sincère. En tout cas, c'est lui que j'ai tué, lors de ma cérémonie d'entrée à Broken Flower. Je n'en éprouve aujourd'hui ni remords, ni satisfaction. La fin justifie les moyens : je suis à Broken Flower, une nouvelle vie démarre.