Ah, ce qu’il pouvait faire chaud aujourd’hui. J’avais déjà englouti trois cannettes de Seven Up que j’avais prises dans le distributeur - au moins, elles étaient fraiches -, mais rien n’y faisait, en plus, il devait être environ 14 heures, le soleil était haut dans le ciel et semblait vouloir changer le monde en une immense bougie dégoulinante. En plus, il n’y avait même pas un peu de vent pour arranger tout ça … Je me résignai à subir cette chaleur et décidai de me procurer une nouvelle cannette au distributeur placé dans le couloir. En plongeant ma main dans ma poche pour chercher quelques pièces, je sentis la forme désormais familière de mon taser. Je savais que je n’avais pas de risques – ou du moins, très peu – d’être attaquée par ma guide en plein jour, mais j’avais pris l’habitude de l’emporter avec moi, juste au cas où. J’insérai les pièces dans la fente prévue à cet effet. Un *CLANG !* sonore retentit lorsque la cannette tomba. Je la ramassai, l’ouvris avec lassitude et m’en fus chercher un endroit un peu plus frais pour la boire. Je parcourus les couloirs en long et en large mais aucune parcelle d’ombre ne se décidait à se montrer. Je décidai alors de sortir du pensionnat. Peut-être que je trouverais mon bonheur dans la forêt ou … Enfin bref, j’aviserai.
Après quelques minutes de marche, je parvins à un bâtiment en verre. On pouvait voir des plantes à travers les parois … une serre ? Je souris intérieurement. Même si avec ce soleil, l’intérieur risquait d’être étouffant, au moins, il y avait de l’ombre et c’était exactement ce que je recherchais. Je m’approchai de la porte. Elle n’était pas verrouillée … Peut-être que l’un des membres du club nature a oublié de la refermer … Je la poussai doucement et entrai dans la serre. Tout était calme. J’avançai encore de quelques pas, de sorte à passer sous le couvert des énormes feuilles. Miracle ! Il y faisait merveilleusement plus frais et je lâchai un soupir de soulagement avant de prendre une rasade de Seven Up. Cet endroit me sauvait la vie. Si je supporte bien le froid, la chaleur et moi sommes de mortelles ennemies … Revigorée par l’ombre ambiante, je décidai ( HRP : Oui, encore 8D ) d’explorer un peu les lieux. J’écartais une feuille qui traînait à ma hauteur, la soulevai et passai en dessous pour progresser encore un peu. Je continuai à avancer, admirant les couleurs des fleurs poussant dans la serre, lorsqu’un bruit ténu me parvint. « Une voix … » devinai-je. Je marchai en direction de ce son, mais plus lentement et plus discrètement, pour ne pas interrompre la personne. Plus je me rapprochais, plus la voix me semblait familière …

« Ryuku ? C’est toi ? » demandai-je.

Il me semblait que cette voix était celle de Ryuku. On se connaissait vaguement. Le genre à se croiser dans les couloirs, échanger quelques mots, parfois manger ensemble à la cafèt’ … Ce genre de trucs, quoi. Je ne savais pas s’il m’avait entendu, mais les paroles de Tori no Uta ne s’interrompaient toujours pas.

« Itsuma demo kawarazu ni irarenakatta koto kuyashikute yubi wo hanasu ~♪ » ( HRP : Traduction en français 8D → J'ai lâché tes doigts, frustré par le fait que je ne pourrais rester inchangé depuis ce jour, inchangé pour toujours. )

Qu’est-ce qu’il faisait ici, au juste ? S’il chantait, il ferait mieux d’aller en salle de musique, non ? L’acoustique y est sans doute meilleure … A moins qu’il ne soit en train de fuir cette salle parce qu’il y avait trop de gens à l’intérieur. Dans ce cas, pourquoi n’est-il pas allé sur le toit, son lieu de prédilection ? Ah, mais non, vu la chaleur et le soleil d’aujourd’hui, ça doit être plein à craquer, là-haut. En désespoir de cause, il a dû se résigner à squatter la serre, j’imagine. Il continuait à chanter, ce qui confirma ma théorie selon laquelle il ne m’avait pas entendue – je suis sûre qu’il se serait interrompu et m’aurait envoyé un truc à la figure s’il avait entendu -. J’allais donc l’appeler une seconde fois lorsqu’un bruit se fit entendre derrière moi. Des pas. Des feuilles qui se frottaient à des vêtements. Quelqu’un venait.

Le froid de l’hiver avait fait place à un printemps brûlant, avec un soleil à te griller le cerveau. Genre, on aurait pu faire cuire un œuf sur les tables de la salle de maths. Je soupirais, résolus rapidement quelques polynômes du second degré en maudissant les cosinus et les sinus qui squattaient les équations. Les maths, c’est pas que j’aime pas ça mais … Ca m’intéresse pas, voilà. Juste après, j’avais un break de 2 heures avant ma dernière heure de cours, histoire-géo. Que je vais sécher, comme à mon habitude. Je suis même pas sûr que le prof sache à quoi je ressemble, j’ai pas assisté à un seul cours depuis le début de l’année. Là, pareil, l’histoire-géo, ça m’intéresse pas du tout … Ca a autant d’intérêt qu’un mammouth crevé – si vous trouvez de l’intérêt au mammouth en question, soit vous êtes nécrophile, ce qui soulève des questions autrement plus graves, ou alors, vous êtes zoophile et ça aussi, ça doit induire certaines questions -.
Et comme à mon habitude, ce fut avec soulagement que j’accueillis la sonnerie de fin de cours, même si elle me vrillait les tympans et que je connaissais quand même pas mal de musiques 666 fois mieux que celle-ci ( HRP : Parce que 666, ça gère 8D ). Je rangeais en vitesse mes affaires – soit un stylo et quelques feuilles volantes, je sais pas comment je fais, mais j’oublie TOUJOURS mon bouquin –, passai la bandoulière de mon sac par-dessus mon épaule et quittai la salle au pas de course avant même que le prof ne donne les deuv’s – et voilà, j’ai une excuse pour ne pas avoir fait mes deuv’s, haha -. J’avais besoin de décompresser un peu. Un peu de piano pourrait me détendre, peut-être … Nan, mauvaise idée, la salle de musique a été colonisée par un troupeau de groupies de je sais pas trop qui … De la leader, sans doute. Meg truc machin … Bidule aux cheveux roses. Ou rouges. Je sais pas trop. Laissons tomber le piano.
En plus, il fait super chaud, aujourd’hui … Le ciel est dégagé. Aucun nuage à l’horizon. Vie de merde. Je hais le soleil, je hais ce temps, je hais cette chaleur, je hais cette journée de merde à la con et en plus, j’ai rien pour me défouler. Raaaah … Je passai devant la salle informatique, mais là encore, une classe l’occupait. Pfff … Dieu me hait. Je sortis alors du pensionnat, recherchant un peu de fraicheur et SURTOUT un endroit dénué de présence humaine. Et c’est un gros fail, bien sûr, ça aurait été trop simple d’avoir juste à sortir pour se retrouver dans un désert sans personne pour m’emmerder, haha … La moitié des élèves – au moins – doit être en train de bronzer dehors. Génial. Je fis le tour du bâtiment pour voir s’il n’y avait pas moins de gens, mais nan, merde, il y en a ENCORE ! FUUUUUUUUUU- … Je m’éloignai rageusement dans le – trèèèèès très très – faible espoir de trouver un lieu ENFIN désert, mais je doutais que j’en trouverais.
Trop occupé à râler contre le monde entier, je me suis même pas rendu compte qu’un bâtiment en verre se dressait pile devant moi et je manquai de me prendre le mur dans la figure. Je pilai juste devant et regardai autour de moi. Yeah, personne n’a vu ça. Lucky. Pour une fois. Je poussai la porte du bâtiment et aperçus les plantes qui l’emplissaient du sol au plafond. Bon, bah, en marchant totalement au pif, j’ai trouvé la serre. A cette heure-ci, le club nature doit être en cours, ça doit être désert et vu la taille des plantes, il doit bien avoir un peu d’ombre quelque part. Je m’avançai un peu plus, histoire qu’on ne me voie pas depuis l’entrée et m’installai à même le sol – sac posé, ou plutôt lâché sans la moindre délicatesse -. Raaah, l’ombre, merveilleuse invention – la seule qui soit bien, en fait – de Dieu – s’il existe … ce dont je doute fortement -. Mais ça m’aidait toujours pas à décompresser. De toute façon, même si j’avais pris mon clavier avec moi, j’aurai pas pu en jouer, y a pas de prise, ici … Je m’éclaircis un peu la gorge, fredonnai un peu pour m’échauffer les cordes vocales – oui, ça s’échauffe, merde, y a des chanteurs qui s’échauffent 2 ou 3 heures avant leurs concerts -, puis j’entonnai les premières notes de Tori no Uta. Je l’aime bien, cette chanson. En plus, tout était silencieux dans cette serre, ça compensait l’acoustique, qui était relativement mauvaise – normal aussi, une serre, c’est pas fait pour chanter -. Silence. Haha. Dès que je pense à ce mot, y a un truc pour me prouver le contraire.

« - Y a quelqu’un ? » demanda une voix émergeant d’un buisson tout proche – non, c’est pas le buisson qui parle, enfin j’espère -.

J’interrompis ma chanson. Okay. Alors, là, je viens d’hériter de la dernière des abruties. Il me semble – je dis bien, il me semble – que je chantais. Donc, je faisais suffisamment de bruit pour qu’elle sache qu’il y avait quelqu’un. Alors, pourquoi elle pose la question ?! Je réprimai le lourd soupir que j’avais envie de lâcher.

« - Oui, il y a quelqu’un et tu fais chier ce quelqu’un, merci de dégager d’ici vite fait, abrutie ! » déclarai-je d’un ton sec.

Je déteste qu’on m’écoute comme ça. Et aussi qu’on me dérange quand je chante ou que je joue du piano. Ou tout simplement, quand je fais quelque chose. Qui que soit la personne qui m’avait interrompu, elle allait en faire les frais si elle ne déguerpissait pas très vite. Comme à son habitude, mon cutter n’attendait que moi pour jaillir de ma poche pour aller se planter entre les deux yeux de quelqu’un.

« Y a quelqu'un ? »

Qui que soit la personne qui avait prononcé ces mots, elle allait prendre cher, je le sens ... Déjà que moi, en l'appelant, je savais que je risquais de me prendre un cutter dans la face, alors une inconnue ... Ryuku n'est vraiment pas quelqu'un de très commode, surtout quand on le dérange, du moins, c'est ce que j'avais cru déduire de son attitude. D'ailleurs, je ne devais pas vraiment être loin de la vérité, puisqu'il répondit du tac au tac.

« Oui, il y a quelqu’un et tu fais chier ce quelqu’un, merci de dégager d’ici vite fait, abrutie ! »

Agressif, aujourd'hui. Je réfléchis rapidement. J'allais vraiment devoir faire attention à ce que je disais, du genre, calculer mes piques au millimètre près, pour ne pas mettre le feu aux poudres ... Ce n'est pas que je ne veux pas me brouiller avec lui, mais je sais qu'il a un certain sens de la répartie, doublé d'un humour plus que caustique, le tout complété par une ironie plus qu'acide. N'oublions pas le fait qu'il doit sûrement avoir ses cutters avec lui, comme d'habitude ... Bref, le genre à ne pas énerver. Ou du moins, pas dans ces conditions-là. C'est alors qu'une autre jeune fille - d'après la voix qu'avait l'autre personne, j'en avais déduit que c'était une fille, à moins que ça ne soit un garçon à la voix particulièrement aiguë - émergea des buissons.

« Ola Ryuku, tu n’as pas envie d’agir discrètement aujourd’hui ou quoi ? »

Tiens, elle le connaît ? Intéressant ... Il n'est donc peut-être pas si misanthrope que ça, alors, vu qu'il a quand même engagé la conversation avec des gens. La fille me salua d'un signe de tête, salut auquel je répondis de la même façon avant de m'avancer. De toute façon, maintenant qu'elle m'avait saluée, Ryuku savait probablement que j'étais là, ça ne servirait à rien de me cacher pour rire dans mon coin de la scène qui allait se jouer et qui serait, à mon avis, assez intéressante ...
Je jetais un oeil aux alentours quand même, histoire d'avoir une longueur d'avance si ça tournait au vinaigre. Ryuku est parfaitement capable de se défendre seul et je ne pense pas qu'il apprécierait le fait que je lui vienne en aide, alors s'il y a un quelconque affrontement, autant être prête. Déjà, je ne pouvais pas aller derrière lui. La tête des fleurs qui s'y trouvaient ne m'inspiraient absolument pas confiance. Je remarquai aussi la présence de lycoris - tiens donc, il me semble qu'une fois, il avait dit que c'étaient les seules fleurs qu'il supportait, non ? - juste à côté, lycoris que la fille de tout à l'heure était occupée à dessiner. Devant ? Non plus, il me semble que la voix venait de là-bas. Repartir par là où j'étais venue restait la meilleure chose à faire, en fait, je gagnerais plus vite la "jungle" formée par les plantes en partant de ce côté plutôt que dans la direction opposée.

La serre était déserte, fraîche, silencieuse .. Le paradis, quoi. ÉTAIT. D'où elle se remplit comme ça en même pas treize secondes ?! Mais merde, pourquoi tout le monde me pique mon idée de venir m'exiler dans cette serre ? Eux ne sont pas allergiques à la présence humaine, ils peuvent aller dehors, chiasse, pourquoi ils ont absolument besoin de squatter les endroits où je suis, hein ?! Dieu, t'es un connard - si t'existes, bien sûr. Et si t'existes pas, t'es un connard quand même -. ( HRP : Alyss / Shin, c'pas contre toi 8D ) Déjà, y avait l'autre cruche qui avait posé la question la plus conne du monde. Ensuite ...

« Ola Ryuku, tu n’as pas envie d’agir discrètement aujourd’hui ou quoi ? »

Aaaaah !! Mais d'où elle sort, elle ?! Machin ... Bidule ... Yukari, je crois. Je sais plus. Je me souviens presque jamais des noms de toute façon, à quoi ça sert de retenir si tu croises plus les gens après ? Je marmonnai un « J’t’emmerde … » à peine compréhensible. Et puis, c'était pas indiscret quoi, c'était ... un cri du cœur, spontané, franc, tout ce que tu veux. Mais quoi, j'ai le droit de pas aimer tout le monde, merde ! - quoique, dans mon cas, je déteste tout le monde, donc .... - Ensuite, une deuxième personne émergea des buissons et s'approcha de moi. Fuuu, pourquoi je croise que des visages connus aujourd'hui ? Je vais pas m'en plaindre, ça m'évitera de parler à des inconnus, ce que je déteste - comme si j'aimais beaucoup de choses dans la vie, haha -, mais voilà quoi. Par contre, contrairement à son habitude de me provoquer en guise de salut, Bidule - ah nan, Esuna, c'est bon, je me souviens de son nom -, Esuna ne dit rien et se contenta d'observer les alentours.
Je commence à croire que tout le monde s'est planqué dans la serre pour m'écouter - ce qui est faux ... enfin, j'espère -, c'est super désagréable comme impression. Et pour couronner le tout, l'autre cruche - c'est bon, ce surnom va la suivre à vie - sortit à son tour des buissons et s'approcha de moi. Erk, nan, casse-toi, je veux pas de toi dans mon champ de vision ! - si je pouvais n'avoir personne, ça sera nickel, mais Dieu me hait -

« Tu peux pas être poli ? C'est pas comme si je t'avais agressé ! Bon, c'est vrai que j'ai posé une question idiote... mais c'est pas une raison ! »

... Oh mon Dieu, encore une partisane du « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, tout le monde il m'aime » ... Donc, maintenant, on n'a plus le droit de dire ce qu'on pense ? Wow, mais attends, mais on fait une régression vers la monarchie absolue, redescends de ton trône - ou de ton nuage tout rose tout doux tout chamallow, je sais pas trop -, mais je suis pas le genre à faire ami-ami avec tout le monde, alors t'es gentille - ou pas - mais ferme-la. Je soupirai, ouvertement cette fois-ci.

« Qui a dit que je devais être poli avec les emmerdeuses ? Et puis, tu dis ça, mais il me semble que tu es mal placée pour parler de politesse. Ce n'est pas particulièrement poli d'espionner les gens comme ça ... » répliquai-je d'un ton sarcastique.

« Tu peux pas être poli ? C'est pas comme si je t'avais agressé ! Bon, c'est vrai que j'ai posé une question idiote... mais c'est pas une raison ! » lança l'inconnue - enfin, une des inconnues - à Ryuku.

Je sens que la suite va faire mal ...

« Qui a dit que je devais être poli avec les emmerdeuses ? Et puis, tu dis ça, mais il me semble que tu es mal placée pour parler de politesse. Ce n'est pas particulièrement poli d'espionner les gens comme ça ... » répliqua ledit malpoli, avec un ton qui devait être sa signature ou sa marque de fabrique, celui qu'il utilisait pour casser les gens - souvent, donc -.

Pan pan boum, balle au centre ? En tout cas, sa réponse ne m'étonnait pas plus que ça, s'il a un jour été gentil avec quelqu'un à Broken Flower, je veux bien me pendre ... J'avais la légère impression d'assister au début d'un match de tennis, où les deux joueurs auraient la ferme intention d'envoyer la balle sur l'autre et de préférence, tellement fort que ça arracherait la tête de leur adversaire au passage. Très ... élégant. Mais l'issue me paraissait nette et claire : rares étaient ceux qui gagnaient contre Ryuku à ce petit jeu là. Je me désintéressai alors de la joute verbale qui s'amorçait et me dirigeai plutôt vers l'autre jeune fille. Je me demandai bien quel genre de personne c'était, puisqu'elle semblait avoir parlé suffisamment de temps à Ryuku pour savoir quel genre de personne il était ...
Elle était en train d'examiner un rosier. Rouge ... Comme mes yeux. Comme les mèches de Ryuku. Comme ses yeux à elle. Comme le sang qui a recouvert les mains de certains élèves de ce pensionnat ... En fait, ici, nous étions trois à partager ce point commun : porter du rouge sur nous, quelle qu’en soit la source ... Est-ce que c'est un présage ? Le signe que nous allons mourir ... Nous, et pas elle ? Je secouai la tête. C'était stupide de s'en faire pour si peu, ce n'était que des couleurs, après tout ... C'est alors qu'un papillon turquoise passa devant mes yeux avant de disparaître dans la végétation. Un papillon ? Je secouai la tête à nouveau ... C'est vrai que le papillon, si beau mais si fragile, éphémère, est aussi symbole de mort ... Du coup, après avoir vu ça, une sensation de malaise m'envahit ... Ce qui était parfaitement stupide, ce n'était que des coïncidences, après tout ... Je me tournai vers la fille brune.

« Tu penses que ça va finir comment, toi ? Sachant que Ryuku, c'est le genre "bombe à retardement" ...»

Nous étions toutes deux exclues du conflit qui se déroulait, autant engager la conversation ... Je n'aime pas servir de décoration d'arrière-plan.

Elle n'a rien à répondre. Bon, bah, fous-moi la paix alors, arrête de me regarder comme ça ... J'ai du noir sur la figure ? J'me suis mal coiffé ce matin ? - nan, que des conneries, je me coiffe jamais, à quoi ça sert de se coiffer si c'est pour se faire décoiffer par le vent dans la journée ... - Enfin, merde, t'as perdu, donc, merci d'arrêter de me regarder comme si j'avais un 3e oeil ou une autre aberration du genre. Je soutins son regard, exaspéré. 'Tain, je déteste qu'on me fixe comme si j'étais un animal dans un zoo, merde, c'est trop demandé de regarder ailleurs ?
Elle s'éloigna. C'est ça, casse-toi, fais pas chier ... Rah, mais nan, elle est toujours pas décidée à débarrasser le plancher, elle ?! Elle est juste partie s'adosser au mur - ce que je trouve assez con, vu que la paroi de verre est exposée au soleil et que du coup, elle doit pas être particulièrement fraîche ... - Mais dégage, merde, on peut pas être tranquille cinq secondes, ici ?! Quasiment toute mon attitude trahissait mon exaspération grandissante.

« Qu'est ce qui te fait dire que je t'espionnais ? »

Ooooh, absolument rieeeeeeeen ... Mis à part peut-être le fait que je chantais assez fort, histoire d'avoir un son convenable, et que tu débarques d'un buisson qui est à même pas cinq mètres alors que je suis au milieu du refrain de ma chanson. Mais ça, ce sont des détails ... Fuck, mais c'est une attardée ou quoi ? C'est pas assez évident pour elle ? La moindre des choses, ç'aurait été de se barrer le temps que je finisse, merde, d'où tu déranges les gens en faisant irruption comme ça ? Et après, elle signale sa présence de la manière la plus stupide qui soit, sans même prendre la peine de s'excuser. Je veux bien que ça soit une coïncidence qu'elle se retrouve ici pile à ce moment, mais voilà, faut pas pousser le bouchon trop loin ... C'est elle qui rentre et qui m'interrompt, elle pourrait peut-être manifester un peu de remords, nan ?

« Et si on prenait la question dans l'autre sens ? Qu'est-ce qui me fait croire que tu ne m'espionnais pas ? »

Sérieusement, cette discussion n'a aucun sens et absolument aucun intérêt. Qu'elle m'ait espionné ou pas, ce n'est pas une question très importante, au pire, je pourrais toujours lui passer l'envie de recommencer en l'enfermant dans cette serre et en m'arrangeant pour que la clé de la serre soit paumée à vie quelque part dans les WC. La chose qui m'importe en ce moment même ... C'est qu'on me laisse tranquille parce que j'ai pas d'autres endroits pour m'exercer, fuck, si elles cherchent de l'ombre, pourquoi elles vont pas ailleurs ?! A ce que je sache, dans ce pensionnat, y a peu de personnes qui sont aussi allergiques à la présence humaine que moi, alors pourquoi elles vont pas barboter à la piscine ou un truc du genre ? Est-ce qu'elles sont réellement obligées de squatter l'endroit où je suis, hein ?!
Je jetais un oeil derrière moi pour voir ce que faisaient les deux autres, tout en sortant mon portable de ma poche. Bon, ça va, j'ai encore pas mal de batterie, je plongai ma main dans mon autre poche pour en sortir mes écouteurs - c'pas croyable ça, ils sont toujours emmêlés ... -, les branchai et sélectionnai une chanson. Little Devil de senya, un arrange de Bad Apple, yeaaaah ! Bon, d'accord, je lui ai posé une question, à l'autre conne, mais la réponse m'intéresse à peine ... Elle a pas encore compris que sa présence ici était indésirable ?! Putain, dépêche-toi de te casser, alleeeeez ...

« Mmh. Je pense que si elle continue comme ça, Ryuku va lui faire passer l’envie de répondre. »

Bon, alors, on dirait qu'elle connait au moins le trait le plus ... euh ... marquant de la personnalité du misanthrope en question. Sur ce plan-ci, il est difficile de nier le talent de Ryuku pour remettre les gens à leur place - ou plutôt, les enfoncer dans leur médiocrité de sorte à ce qu'ils n'en sortent qu'après une ou deux semaines de déprime ... quelque chose du genre -.

« Au fait, moi c’est Yukari, et toi ? »

Yukari ? Au moins, je peux mettre un nom sur ce visage - disons qu'à l'inverse de Ryuku, je préfère éviter d'affubler les gens de surnoms ridicules, bien que ceux que Ryuku attribue me font sourire -. Il n'y a donc plus qu'une personne dont l'identité m'est inconnue ici ... La fille qui avait provoqué Ryuku, que ça soit contre son gré ou non. Parce que oui, il est fort probable - du moins, selon mon point de vue - que Ryuku prenne ça comme une provocation : non seulement elle l'interrompait dans sa chanson - grossière erreur - mais en plus, elle insistait et ne lui "foutait pas la paix" - il y a 75% de chance qu'il soit en train de penser ça en ce moment même -. Soit elle ne connaissait pas Ryuku, si c'était le cas, il était normal qu'elle ait commis cette erreur - quoique, peut-être que l'air renfrogné du dit misanthrope laisse déjà présager son tempérament plutôt ... explosif -. Soit elle le connaissait ou avait entendu parler de lui, et là, elle était juste idiote ou inconsciente. Peut-être même que c'est une masochiste qui aimerait se retrouver le crâne fracassé contre le mur de la serre. Enfin bref, quand on parle du loup ...

« Qu'est ce qui te fait dire que je t'espionnais ? »

3 ... 2 ... 1 ... Boum !

« Et si on prenait la question dans l'autre sens ? Qu'est-ce qui me fait croire que tu ne m'espionnais pas ? »

Un jour, faudrait que quelqu'un pense à écrire un mode d'emploi ou un livre sur le Ryuku style, ça évitera aux gens de se faire rembarrer vite fait bien fait - euh ... peut-être pas bien fait, en fait -. Faut dire qu'en fait, je m'attendais à ce qu'il la casse une nouvelle fois, mais sa réplique était équivalente, puisqu'il y avait peu de chances qu'elle arrive à lui répondre avec des preuves concrètes. Le pire, c'est que j'ai appris un truc avec Ryuku ... C'est que chez lui, y a pas de présomption d'innocence. C'est plutôt une présomption de culpabilité, en fait. C'est peut-être pour ça qu'il est catalogué comme asocial. Peut-être.
C'est alors que je me rappelais que Yukari m'avait posé une question. Je tournai mon regard vers elle, puisqu'il avait dérivé sur la dispute qui se déroulait pas très loin, avant de répondre.

« Esuna. Esuna Requiem. »

Je remarquai que Ryuku semblait se désintéresser de l'inconnue, extirpant son portable et ses écouteurs de ses poches. Allons bon ... Il lui pose une question et ne prend même pas la peine d'écouter la réponse ? Ça traduit sans doute son mépris pour son interlocutrice ...
Mon regard revint vers Yukari. Tiens ? Elle avait ouvert un cahier ... Un cahier de quoi ? Vu les mouvements que faisait son crayon, sur la page, j'en déduis qu'elle devait dessiner - bah oui, si vous faites des traits verticaux aussi longs quand vous écrivez, vous devez sans doute être natif de Jupiter ou quelque chose du genre -. Mais quoi ? Elle relevait les yeux de temps en temps, elle devait donc avoir un modèle ... Je suivis son regard ... Ryuku ? Je m'approchai et regardai par dessus son épaule. Aaaaw yeah. Ryuku qui sourit ? Je retins un rire.

« Il devrait sourire plus souvent, hein ? » lançai-je à Yukari. « Il va avoir des rides avant l'heure s'il continue à froncer les sourcils H24 comme ça ... »

Un jour, faudrait penser à m'expliquer pourquoi 99% des élèves de ce putain de pensionnat paumé sont des abruti(e)s fini(e)s. Bordel de ... Faut que je lui fasse un dessin ? Que je lui écrive en lettres capitales ou sur un doc Word en taille 72, doc que j'imprimerai et lui scotcherai devant les yeux ? Ou encore, que je tague un mur entier avec les mots "CASSE-TOI D'ICI" ? Sérieux, rien qu'avec la façon dont je l'ai "accueillie", elle aurait dû deviner que sa présence était indésirable. D'ailleurs, toutes les présences humaines sont indésirables. Je soupirai et tentai de me laisser submerger par la musique. Rester caaalme. Zeeen.
Hahahaha ... J'ai une soudaine envie de rire de moi ... Rester calme. La bonne blague ... Comme si c'était facile ... Mes mains ne demandent qu'à se poser sur sa gorge pour l'étrangler et mes cutters n'attendent que moi pour aller trancher ses veines. Plus que sa présence ici, il y a autre chose qui m'insupporte. Que je hais. Mais quoi ? ... De toute façon, c'est débile que je me pose la question ... La réponse finit toujours par m'apparaître au bout de quelques instants. Faut juste que je laisse passer un peu de temps ...
Je laissai mon regard dériver autour de moi. Un peu plus loin, Esuna et Yukari semblaient discuter. Je reconnus le cahier de croquis que Yukari avait lorsqu'on s'était rencontrés y a pas si longtemps ... Elles semblent rire, ou du moins, quelque chose qui s'en rapproche. Et puis, sans que je m'y attende, cette réponse que j'attendais ... Elle m'a frappé. Cette fille, celle dont je voudrais effacer l'existence ici et maintenant, je la hais pour ce qu'elle paraît être. Elle a l'air tellement ... normale.

« Euhh... Vous n'auriez pas un mouchoir ? »

Tais-toi. Ferme-la. Casse-toi. Dégage. 'Tain ... Pourquoi tu vas pas chercher un mouchoir ailleurs, hein ?! Est-ce que tu te sens obligée de rester ici ?! Et surtout de poser une question aussi banale à un moment pareil ?! Il y a même pas 10 secondes, j'étais sur le point de venir te tuer !! MERDE !! Et toi, tu trouves rien d'autre à faire que de demander un mouchoir à la con ?!!! Merde. Merde. MERDE !!! ... On se calme ... On respire ... Inspiration. Expiration. Je me levai brusquement. J'étais en train de devenir à moitié dingue, putain ... Faut que je m'éloigne, je vais pas tenir et ça va mal finir ... Mes mains ont fait le sale boulot une fois, elles ont déjà tué et ... Et ça me suffit amplement. Je ne veux pas retenter l'expérience. Déjà qu'une mort me hante, deux, non merci. Autant me suicider direct ... Tiens ... C'pas une mauvaise idée, ça ... M'ouvrir les veines maintenant et ... et m'endormir pour ne plus jamais me réveiller. Ne plus jamais souffrir. Quoi qu'on me fasse, je ne le sentirais plus. C'est le pied, la mort ...
Peut-être que je devrais juste en finir maintenant ... La cruche vient de demander un mouchoir, l'une des deux autres filles va forcément lui répondre et l'attention de l'autre sera attirée par son action ... Si je le fais, personne ne le verra. Merde ... Merde ... La lame de mon cutter est sortie, je sais même pas quand je l'ai tiré de ma poche. J'ai juste à faire un geste. Un seul.

« ... »

Yukari me fixa un instant avant de rire doucement. La chose semblait tellement impossible que c'en était drôle, mais j'étais sûre qu'un jour, quelqu'un arriverait à lui redonner le sourire - il est rare qu'une personne ne sache pas le faire, il a dû oublier comment, c'est tout ... -. [ HRP : Non, je ne vise personne, n'est-ce pas Shin ? 8D //ARMAGEDDON DE CUTTERS BY RYU'// ] Cependant, ce petit moment d'hilarité partagé avec celle qui comprenait en quoi l'image d'un Ryuku tout sourire était absurde ne dura pas longtemps, la fille aux cheveux châtains - je me suis toujours demandée comment on les appelait ... les châtaignes ? - nous interpella :

« Euhh... Vous n'auriez pas un mouchoir ? »

Mais qu'est-ce qu'elle vient de faire pour saigner comme ça ? En plus, on dirait que le sang coule de son oeil, elle se l'est crevé ou ... Toujours est-il que je remarquai alors que depuis son arrivée dans la serre, elle n'avait pas ouvert son oeil droit, celui qui saignait en ce moment même ... Se pouvait-il qu'il soit malade ou pire encore, qu'elle soit borgne ? Je plongeai machinalement ma main dans ma poche, sachant pourtant pertinemment qu'il y avait très peu de chances que j'aie ce qu'elle voulait sur moi, je n'étais pas particulièrement encline à avoir le nez bouché ou à pleurer, me trimballer des mouchoirs pour rien ne me semblait pas du tout utile ... Ah, quoique ... Elle a de la chance, j'ai un paquet avec moi. Je le saisis et le lançai à la jeune fille. Je la regardai essuyer le liquide écarlate qui dévalait toujours ses joues, lorsque Yukari attira mon attention vers Ryuku d'un coup de coude. Hm ? .......... OH LE CON. J'ai pas d'autres mots pour ça. Il a vraiment l'intention de crever ici ? .... Mais c'est pas glorieux du tout ! Ahem. Il peut pas mettre fin à ses jours comme ça, sur un coup de tête, si ? - quoique, c'est Ryuku, si ça se trouve, ça fait déjà un bail qu'il y pense ... -
Je réfléchis rapidement. J'avais mon taser sur moi. Si je réglais suffisamment la puissance, je pourrais l'assommer avec un électrochoc, sans le tuer. Il serait sonné, peut-être qu'il resterait à l'infirmerie deux ou trois jours le temps de récupérer, mais au moins, il serait vivant ... Encore fallait-il que je parcoure la distance qui nous séparait suffisamment rapidement pour qu'il n'ait pas le temps de s'ouvrir les veines avant ... Et si j'allumais mon taser avant de lui balancer à la figure ? Mauvaise idée, avec les réflexes qu'il se paie, il l'esquiverait et de ce fait, je n'aurais plus rien pour l'arrêter.
Mais quelque chose me disait qu'il hésitait ... Je suivis son regard et tombai sur Yukari, une Yukari aussi perdue que je l'étais.
Ici, on a tous souffert ... Quelle que soit l'intensité de cette douleur. Mais c'est là que le bât blesse. Parce que Ryuku a perdu pied, lui ... Ca paraît si simple pour nous de continuer à vivre malgré tout, à s'accrocher pour voir ce que demain nous réserve, peut-être un nouveau rayon de soleil pour nous éclairer la route, parfois un nuage pour obscurcir la lumière qui brille sur notre chemin ... Toujours est-il que je ne pouvais pas le laisser faire. Et vu le regard qu'affichait désormais Yukari, empli de détermination, je n'étais pas la seule à vouloir l'arrêter.
Je franchis d'un pas décidé les quelques mètres nous séparant et lui assenai une manchette sur le crâne, lui faisant lâcher son arme qui tinta en rebondissant sur le sol de la serre..

« NAN MAIS OH !! Tu te crois où, là ?! Y a pas marqué "corbillard" sur notre front, abruti profond !! Si tu crèves ici, tu crois vraiment qu'on va embarquer ton cadavre à la morgue ?! Et puis même, tu crois qu'on a envie d'aller en taule pour non-assistance à personne en danger ?! O pire, même, tu crois qu'on a envie d'être accusées de meurtre ?! Alors, fais-moi plaisir, que tu le veuilles ou non, tu te suicides pas ! C'est pigé ou tu veux une autre manchette pour te remettre les idées en place ?! »

Il avait l'air de me regarder comme si je venais de la planète Mars ou de bien plus loin encore, mais à la rigueur, je m'en fiche. Tant qu'il se suicide pas sous mes yeux.

« Raaah, t'es vraiment irrécupérable, tu sais ... »

râlai-je en ramassant son cutter avant qu'il ne décide de me trancher la jugulaire.

J'ai parfois l'impression que mon corps bouge tout seul, que j'assiste à une scène qui se déroule loin, loin, très loin de moi et que je ne peux rien changer ... J'ai parfois l’impression de n'avoir aucun contrôle sur mes actions, que mes membres bougent d'eux-même et qu'ils ne m'obéissent pas ... Qu'ils ne veulent pas m'obéir ... Ça pourrait expliquer pourquoi je suis incapable de me tuer. Que la lame reste suspendue en l'air ... Merde ... Mais qu'est-ce que j'attends ?
Merde ... C'déjà trop tard de toute façon ... Quand je dis que j'ai l'impression de me trouver à des milliards d'années-lumière de la scène qui est en train de se jouer ... Esuna vient de me frapper ... Cool ... C'est bon, tu t'es défoulée ? ... Je peux crever tranquille maintenant, ou t'as l'intention de me faire chier encore longtemps ... Elle a choisi la 2e option ... Bordel de chiasse ...

« NAN MAIS OH !! Tu te crois où, là ?! Y a pas marqué "corbillard" sur notre front, abruti profond !! Si tu crèves ici, tu crois vraiment qu'on va embarquer ton cadavre à la morgue ?! Et puis même, tu crois qu'on a envie d'aller en taule pour non-assistance à personne en danger ?! Ou pire, même, tu crois qu'on a envie d'être accusées de meurtre ?! Alors, fais-moi plaisir, que tu le veuilles ou non, tu te suicides pas ! C'est pigé ou tu veux une autre manchette pour te remettre les idées en place ?! »

Ouais ... Si tu pouvais me mettre une manchette tellement fort que tu me détruirais le cerveau, je dis pas non ... DE toute façon, j'en ai plus rien à foutre ... Tu peux me bousiller les oreilles autant que tu veux, ça servira à rien, garde ta salive pour autre chose. Ma décision, je l'ai prise il y a longtemps déjà. Laissez-moi mourir ... C'pas comme si ma mort allait changer grand-chose dans vos vies, si ?

« ... Et tu crois vraiment que j'en ai quelque chose à foutre ? » Ma voix était calme, dénuée d'expression et monocorde ... Elle reflétait bien à quel point leur avis m'intéressait, en fait ... « Au pire, vous pourrez témoigner les unes pour les autres et on se connaît à peine ... A quoi ça te servirait de m'empêcher de crever ? C'est ce que je veux après tout ... C'pas comme si quelqu'un me tuait alors que j'avais rien demandé ... »

La conversation la plus ... inutile et dénuée de sens que j'ai jamais entendu ... Elle a pas à se mêler de mes affaires ... J'ai le droit de faire ce que je veux de ma vie, non ? Que j'existe ou pas, ça ne fera pas une grande différence ... Y a des morts tous les jours, y a des gens qui se suicident tous les jours ... Pourquoi j'en ferais pas partie ? Mais pour l'instant, c'est elle qui a mon cutter ...
Et si je m'étranglais ? ... Ou que je me noyais dans la piscine ? .... Ou encore, si je me fracassai le crâne contre le mur de la serre ...

« ... Qu'est-ce que ça peut bien changer pour toi, aussi ... Si demain, je suis plus là ... Ca va pas te foutre toute ta vie en l'air, tu t'en fous ... Pourquoi tu veux m'empêcher de crever ... »

« ... Et tu crois vraiment que j'en ai quelque chose à foutre ? Au pire, vous pourrez témoigner les unes pour les autres et on se connaît à peine ... A quoi ça te servirait de m'empêcher de crever ? C'est ce que je veux après tout ... C'pas comme si quelqu'un me tuait alors que j'avais rien demandé ... Qu'est-ce que ça peut bien changer pour toi, aussi ... Si demain, je suis plus là ... Ça va pas te foutre toute ta vie en l'air, tu t'en fous ... Pourquoi tu veux m'empêcher de crever ... »

Je me demande de quoi on a l'air, quand même ... Je trouve même plus de mots pour exprimer mon exaspération face à son attitude. C'est possible d'être aussi borné ?! C'est possible d'être aussi persuadé que plus rien n'a d'importance ?! C'est désespérant. Y a pas d'autres mots ... Le pire du pire dans cette situation ... C'est que je n'ai aucun argument à lui opposer. Parce qu'il a raison ... Pourquoi est-ce que je fais ça ? La conclusion la plus logique serait : pour ne pas avoir de poids sur la conscience. Mais même si c'est le cas ... Je ne suis pas du genre à laisser crever quelqu'un sous les yeux. Surtout si ce quelqu'un est Ryuku. Parce que ce n'est pas un gros connard, comme certains semblent le penser.
Mais le problème, je le répète, c'est que je n'ai rien à lui dire. Le contredire, ce serait de la mauvaise foi. Mais malgré ça, j'ai envie que tout ce qu'il vient de dire soit faux. Peu m'importe si je n'ai rien de concret pour justifier ce que j'avance, je REFUSE de perdre ce débat. C'est MOI qui aurais le denrier mot, qu'il le veuille ou non, je l'empêcherais de crever comme une merde dans cette serre. Je fus rejointe par Yukari, qui elle aussi, commença à le sermonner après lui avoir assené un gros coup de carnet sur le crâne - si la situation n'était pas aussi dramatique, j'en aurais presque ri ... -.

« Dans ce cas, que fais-tu encore ici ? Que fais-tu encore en vie, si tu as autant envie de te tuer ? Si tu y tenais tant, tu l’aurais sûrement fais depuis longtemps, tu ne serais peut-être même pas ici aujourd’hui. Mais quelque chose t’en empêche, n’est-ce pas ? Tu n’arrives pas à planter ce cutter dans ton cœur pour mettre fin à tes jours. C’est sûrement parce que tu as encore des choses à faire ici, tu ne peux pas mourir maintenant. Tu fais toujours semblant de vivre, mais tu es bien là, sous nos yeux, et ça, ça ne changera pas ! Te tuer pour laisser les autres derrière toi, même ceux qui te connaissent à peine, tu comptes tout abandonner, et laisser le fardeau de ton suicide sur les épaules des autres ?! Je sais que ta vie a été difficile, tu me l’as dit, mais n’as-tu pas accepté mon aide la dernière fois ?! Tu as même réussi à sourire , même si ça se voyait à peine, et tu dis que ta mort serait sans conséquences ?! Pour une fois, une seule fois dans ta vie, mets-toi à la place des autres, et tu verras que c’est douloureux d’entendre quelqu’un dire qu’il veut mourir parce que ça ne changerait rien. »

Et je ne suis pas la seule à penser qu'ici, le véritable crétin, c'est lui, c'est rassurant ... Il y a des fois, quand on l'entend parler, on en a envie de se suicider aussi ... Encore un bon point : on dirait bien que Yukari sait dans quoi elle met les pieds, elle a l'air d'avoir conscience du fait que Ryuku puisse péter un câble monumental et se mettre à l'étrangler.

« Vas-y, frappe moi, défoules toi sur moi si ça te fait plaisir, mais même si tu te fiches de mon avis, même si tu ne prends en compte aucuns des mots que je viens de t’adresser, je m’en fiche, je t’ai dit ce que je pensais. Et même si tu te suicidais, tu n’irais pas plus haut que le ciel, tu resterais emprisonné là-bas, à ne rien faire, à passer tes journées à attendre que quelque chose se passe. »

Si toutefois il y a une vie après la mort ... Toujours est-il qu'à la fin de sa tirade, Yukari tourna les talons et s'en alla. Aaah ... Ryuku, tu es VRAIMENT un crétin. Je soupirai et tentai de me calmer avant de vraiment me mettre à lui crever les tympans en lui hurlant dessus.

« T'as besoin de lunettes, hein ... Y a des gens qui tiennent plus ou moins à toi ici, fais pas de conneries en te suicidant, quoi, merde ... »

Yukari s'y met aussi, ses paroles atteignent mon cerveau mais elles ne semblent pas faire sens, j'avais plutôt l'impression qu'elle débitait des mots les uns après les autres sans que ça soit cohérent. Elle parle, elle parle et puis voilà. De toute façon, j'ai pas envie de me fatiguer à réfléchir, je veux juste crever. Qu'on me laisse crever. Yukari a enfin fini de parler, je relève les yeux vers elle. Quoi ... Qu'est-ce que tu veux ... Y a quelque chose qu'elles comprennent pas de toute façon ... Je sais pas ce qu'il y a après la mort. Je pense plutôt qu'il n'y a rien. RIEN. Plus rien pour te blesser, plus rien pour te faire souffrir. Être seul, je m'en fous. Passer ma vie dans l'obscurité, je m'en fous. Mais je ne veux plus souffrir, c'est tout. Et la seule solution pour ça, c'est mourir, c'est tout. S'endormir et ne plus jamais se réveiller.
Esuna me dit quelque chose aussi, mais je n'écoute pas. C'est pas comme si c'était important. C'est pas comme si j'allais m'y intéresser alors que je veux crever. Mais merde, c'est elle qui a mon cutter ... Au pire, peut-être qu'il y a une plante toxique dans cette serre ... Aconit napel, digitale, rhododendron peut-être ... Ou même, il me suffira d'arrêter de prendre mes médocs et attendre patiemment que la Mort m'emporte. J'ai déjà un pied dans la tombe, j'ai aucune raison de lutter. J'ai déjà plus rien, j'ai personne, alors quitter ce monde, c'est un soulagement plus qu'autre chose.
C'est alors que quelque chose s'abattit sur ma joue. Et fort, apparemment. Le goût âpre et métallique du sang m'envahit la bouche. Je crois que ça fait mal, mais c'est à peine si je le sens. Tout ce que je sais, c'est que la personne qui m'a frappé, c'est ...

« Certaines personnes ont une conscience. De ce fait, ils ne peuvent juste pas laisser mourir quelqu'un sous leurs yeux. Il n'y a que toi pour ne pas essayer de comprendre les autres. Je sais ce que c'est de vouloir mourir quoi que tu puisse penser. Mais je ne peux juste pas te laisser mourir d'une manière aussi conne. »

Je redescendis brusquement sur Terre, ma joue me cuisait. Qui était-elle pour se permettre de me parler comme ça ?! Et surtout, de me frapper ?! On ne se connaît pas ... Et elle ose sortir toutes ces conneries sur moi ?! ET M'EXPLIQUER CE QU'ELLE PENSE ?! ELLE CROIT VRAIMENT QUE JE M'Y INTÉRESSE ?! Elle ose porter un jugement sur mes actes sans rien connaître de moi ?! Dans la vie, je laisse passer beaucoup de choses ... Mais ça, non. Si elle croit s'en sortir comme ça, elle se fourre le doigt dans l’œil.
Ma main se tendit d'un geste vif, presque animal vers le cutter qu'Esuna tenait encore dans les mains, se saisit de l'arme sans même qu'elle puisse réagir, trop surprise par mon geste soudain et la lame jaillit du manche, tandis que mon autre main la plaquait au sol. Je vais la tuer, la tuer, la tuer, je DOIS la tuer, la tuer, la détruire, la réduire à néant, cette fille présomptueuse qui croit tout savoir, tout comprendre, avec son air suffisant ! ELLE DOIT MOURIR !!! Ma main se crispa sur sa gorge, la serrant de plus en plus. Elle commençai à manquer d'air. TANT MIEUX !! CRÈVE !! CRÈVE, CRÈVE, CRÈVE, CRÈVE, CRÈVE, CRÈVE !!!

« TU CROIS TOUT SAVOIR DE MOI ?! TU CROIS POUVOIR ME JUGER, PAUVRE CRUCHE ?!!!! TU CROIS VRAIMENT POUVOIR ME RAISONNER ALORS QUE TU NE ME CONNAIS MÊME PAS !? J'EN AI RIEN A FOUTRE !!! TU PEUX LE COMPRENDRE, HEIN ?! TOI QUI TENTES DE COMPRENDRE LES AUTRES CONTRAIREMENT A MOI ... »

Ma main se referma encore plus, mes doigts se rejoignaient à l'arrière de sa nuque, de toute façon, elle pouvait plus rien faire, avec aussi peu d'oxygène, le moindre geste lui était impossible, à moins d'être inhumaine. Qu'elle meure ... Je me mis à rire, un rire sans joie, sans sadisme, juste le rire de quelqu'un pour qui plus rien n'a d'importance. Je suis peut-être fou ... Mais j'en ai rien à foutre ... Tout sera bientôt fini ... Un sourire fendit mon visage lorsque je repris la parole. Je ne reconnaissais même plus ma voix ... Elle paraissait si éloignée de celle que j'avais lorsque je chantais tout à l'heure ...

« Un poids sur la CONSCIENCE ?! » Je crachais un peu du sang qui m'emplissait la bouche sur le sol à côté d'elle. « UN POIDS SUR LA CONSCIENCE, HEIN ?! Ton raisonnement est l'un des plus stupides que j'ai jamais entendu ! Hahahaha ... Imagine un jour que tu sois en train de traverser la rue, qu'un camion arrive et qu'il fauche un passant ... Tu aurais pu le sauver, n'est-ce pas ? ... Mais tu ne l'as pas fait ... ET TU VAS TE TRIMBALLER UN PUTAIN DE POIDS SUR TA CONSCIENCE ?! Me fais pas rire ... TOUT CA, C'EST QUE DES CONNERIES !! »

A l'heure qu'il est, elle doit avoir perdu connaissance, mais mes doigts semblaient soudés, la privant toujours plus de son air ... Je sentis vaguement quelqu'un ou quelque chose me tirer en arrière, m'éloigner de cette loque, me forcer à lâcher sa gorge et m'en éloigner le plus possible. MERDE ... LAISSEZ-MOI LA TUER .... LAISSEZ-MOI LUI FAIRE COMPRENDRE CE QUE C'EST DE VOIR SES ESPOIRS S'ENVOLER LES UNS APRÈS LES AUTRES !!!
Quelqu'un me poussa en dehors de la serre et brusquement, la chaleur soudaine me fit revenir à mon état normal. Putain .... J'en peux plus ... Autour de moi, il n'y a plus personne ... La foule de tout à l'heure s'est évaporée. Tant mieux ... Je ne veux pas qu'on me voie dans cet état ... Mes mains tremblent sans que je puisse les en empêcher, mais l'une d'elles refuse de lâcher mon cutter. J'ai besoin de me calmer ... Peu importe le moyen ...